Il était de ces choses que personne ne pouvait vraiment comprendre sans les vivre, de ces changements autrement explicables que par l'invraisemblable. Et il apparaissait quelques changements pour le moins invraisemblables au sein de cette existence qui était la leur. Ils avaient, jusqu'à ce jour de printemps, coulé une existence somme toute assez paisible et plaisante. Seulement, le simple fait d'avoir changé d'habitat avait profondément chamboulé leur quotidien, et ils allaient découvrir que le voisinage n'etait pas si sympathique qu'il aurait dû l'être.

Si les voisins n'étaient pas d'horribles personnages, ils n'étaient pas non plusse, du point de vu de monsieur Longbottom, des gens particulièrement recommandables. Il fallait dire qu'il se disait que les Runcorn avaient, déjà, fricoter avec quelques mages noirs et n'étaient pas ce que l'on faisait de mieux que en matière de bonne éducation. Tout du moins si l'on souhaitait faire de ses enfants de ces personnes que l'on considérait comme sympathiques et serviables. Les Longbottom étaient de ceux là. Gentils en tout point. Tout du moins l'étaient ils quand on ne leur chauffait pas les oreilles, et la guerre de voisinage ne rendit service à personne.

En fait de guerre, il s'agissait surtout de lancer quelques insultes et de jeter les gobelins dans le jardin de l'autre. Le plus terrible qu'ils aient alors pu faire se limiter à un simple enchantement qui avait fait mourir une à une les courgettes de monsieur Longbottom; ce qui avait conduit l'éconduit à faire verdir toutes les fleurs de geranium et de magnolia du jardin des Runcorn de façon durable. Oeil pour oeil, dent pour dent. Bataille rangée aux allures innocentes qui, pourtant, donnait un fort mauvais exemple à la génération suivante.

Si Aster Longbottom avait toujours été un enfant adorable et plus que rieur, il en été tout autrement de sa jeune voisine. Peste notoire au visage angélique. Petit serpent à la langue particulièrement venimeuse. Néanmoins, coincé dans une certaine innocence, quelque peu cruelle, il disait à qui voulait l'entendre que la petite Runcorn finirait par l'aimer. Elle s'en outrait, il s'en fichait. Seulement, même la plus belle des naïvetés finit, irrémédiablement, par se briser.
Comme extirpé de l'onirisme d'une vie entière, violemment propulsé au sein de la réalité, il se heurtait au simple fait que rien n'était comme dans les histoires et les contes. Il avait jusqu'alors imaginé pouvoir couler une existence des plus tranquille, et prenait au final la mesure des événements, se noyant dans le poids de ce que se révélait être sa destinée. Il n'y aurait pas de gloire pas plus que d'entrain à être ce qu'il avait jusqu'alors toujours été : naif et candide. Rattrapé par un simple choix fait par un chapeau, et assommé par l'écho de sa voix tout contre son crâne, il perdait pied. Il se noyait. C'était le début de la fin, et le début de tout autre chose.

Il n'en était pourtant pas à blâmer ce choix de maison. Poufsouffle n'était, à son sens, pas une mauvaise maison. Non. Il blamait ces autres qui le faisait se sentir moins que ce qu'il était. Il en voulait à la petite Runcorn de, toujours, se moquer de lui, il lui en voulait pour ce rejet constant qu'elle lui assénait. Bourreau de son adolescence, elle mettait en branle quelques mecanismes au sein d'une machine malicieuse et sarcastique. Elle plaçait, sans le savoir, quelques pions désordonnés sur un échiquier bancale. Marche impériale aux allures martiales, le tout avançait désormais en leur défaveur commune, s'entraînant mutuellement sur des sentiers bien loin de quelques gloires.

S'ils n'avaient jusqu'alors jamais été du même camps, il s'avérait désormais que la guerre était belle et bien ouverte entre la petite serpentard et le jeune Poufsouffle. Jeu de duppes qui consistait surtout à faire s'enfoncer le jeune homme au creux d'un désespoir sans nom, sans qu'il ne puisse s'en extirper. A jamais prisonnier sous la flamme vacillante d'une malheureuse bougie éternelle, n'attendant que le moment où il voudrait enfin souffler sur la flamme. Délicate attention pleine d'infortune qui le conduisait sur les sentiers de la perfidie, lui faisant perdre de cette superbe sympathie dont les bronzes pouvaient encore se parer. Il n'était plus. Il ne serait plus jamais. Pourtant, il s'agissait là d'un secret fort bien gardé, qui se dérobait sous les regards par quelques sourires à l'emporte-pièce, par quelques faux-semblants qui s'ouvrageaient sur des masques somptueusement manufacturés.

Personae brisée, tombée en poussière sous les coups de semonces et l'estocades des vipérins, il fint irrémédiabement par perdre le sourire. Il avait alors quinze ans quand les délicieux changement dûs à la puberté firent passer le petit être pataud au semblant de ce qu'il était aujourd'hui. Deux mois passés chez des grands--parents inquiet de quelques un de ses comportement et plus encore de son renfermement, et voila qu'il revenait habillé de ses plus belles parrures. Traits d'enfants disparus, il avait déjà grandit de quelques vingt centimètres et so sourire, factice, semblait d'autant plus vrai qu'il n'était plus celui que tout le monde connaissait. Il en joua. Il en joua beaucoup.

On dit souvent que le vice est une chose qui apparait avec la beauté, et plus encore avec la vanité. C'était en tout point vrai. Il n'épprouvait plus le besoin de se recroquevillé derrière son plumage de vilain canard,  il n'avait plus envie de se montrer aimable quand il n'était pas de ceux-là. S'il restait vivable, il s'affirmait comme un être à part entière, extirpé de son cocon et désormais prét à s'abattre sur le monde. Elle l'avait façonné, elle allait s'en mordre les doigts. Sous les affres sensuels, extatiques, et excitant de ses vengeances, il achevait son bourreau de quelques coups rageurs et moqueurs. Retournement de situation sous le plus terribles hospices, elle en faisait les frais et lui n'en restait que plein de panache.

Il aurait certainement poussé le vice plus loin, toujours plus loin, si les avertissements d'une mère et le regard un peu soupçonneux d'un père ne lui avaient fait rebrousser chemin. La lumière vascillait encore. Simple lueur mourrante au creux de son esprit. Il ravalait autant de haine que de désespoir, se retrouvant désormais à agir, presque, de façon civilisée. Il devrait désormais apprendre à calmer ses trop-pleins d'émotions, et mieux, peut être, à vivre avec elle. Sans plus jamais la heurter, sans plus vraiment vouloir la blesser pour qu'à jamais reste encrer en son coeur la même entaille que celle qu'elle y avait déjà graver.